20h place Stalingrad, 20% qui s’affichent sur l’écran. Debout, effondré, mon drapeau à la main. Le choc encaissé comme sur le ring, à l’instar du boxer qui ne se rend compte qu’après de la violence du coup qui vient de lui être porté. L’âme se chiffonne, les frissons attrapent la nuque, les larmes montent aux yeux, et jaillissent, incontrôlables. Je suis vidé, pleurant silencieusement dans la foule. Soudain, on me tape dans le dos, je me retourne. J’accroche alors les yeux des copains, qui viennent d’arriver en bande compacte sur la place. Barbus, lumineux. On se prend dans les bras. Tristes, on l’est tous. Je repense tout d’un coup à ce passage de l’Espoir de Malraux, où il décrit la bande d’aviateurs perdant combat sur combat sur le front de l’Elbe, découragés et dézingués de fatigue. Et lui soudain, le chef d’escadrille, qui dit simplement, il l’écrit, on a perdu mais on était ensemble. La question de l’honneur, il y avait un peu de ça ce soir-là. Tout est perdu, fors l’honneur. On a fait le travail, collé de nuit les affiches, tracté à l’aube aux métros, vendu à midi les journaux. Alors ce soir sur cette place, coude à coude avec les camarades, le mot est juste, et ce malgré la tristesse, je me sens peut être plus heureux et rasséréné que lors de bien des victoires anonymes.
Marc Pondruel
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